1880 : Léopold II fonde l’AIC, association internationale du Congo qui, contrairement à l’AIA, se dote de la possibilité d’établir des souverainetés, et a confié au journaliste et explorateur Stanley le soin de prendre le contrôle de la région au nom de l’association. Exploration de Pierre Savorgnan de Brazza en septembre 1880 à partir de l’Ogooé.Concurrence belge sur la rive méridionale du Stanley Pool. Octobre 1880 : Brazza décide la fondation d’un poste sur le site de Brazzaville ; il y laisse le sergent sénégalais Malamine et descend vers l’océan. Rencontre tiède avec Stanley.
Fin 1881 : Fondation de Léopoldville : Stanley (dit Boula Matari, le « casseur de pierres ») :
Ce que je cherche, c’est le voisinage du fleuve où je construirai moi-même un village pour le commerce des hommes blancs. Les blancs ne vous feront pas de mal. Il doit vous être indifférent de savoir à qui vous vendez votre ivoire, du moment que vous le vendez. Le chef Ngalyema :
Assez! Je vous répète pour la dernière fois que vous ne viendrez pas à Kintamo. Nous ne voulons pas de blancs parmi nous. Quelques semaines plus tard, le poste était bien avancé, au bord du Pool, à quelques distances d’un village appelé Kinshasa, le poste reçu le nom de Léopoldville, « pour honorer le généreux et royal fondateur de l’Association Internationale du Congo ».
Tendance du gouvernement français de la IIIe république à préférer une formule de type protectorat à celle d’une annexion pure.
Création de la colonie du Congo français.
Implantation française : Pierre Savorgnand de Brazza arrive par le nord et signe le 10 septembre 1880 un traité d’amitié avec le roi Makoko, roi des Batéké, 3 octobre : il signe avec le chef Ngaliene, agissant au nom du roi Makoko, un traité qui met le royaume de Makoko sous la protection de la France. A près la signature, le grand féticheur donne à Brazza une boîte qui contient un peu de terre, disant : « Prend cette terre et porte-la au grand chef des blancs. Elle lui rappellera que nous lui appartenons » Brazza plante alors son pavillon devant la demeure du Makoko : voici le signe d’amitié et de protection que je vous laisse ». Puis rejoint l’océan en confiant la garde du pavillon au sergent Malamine, qui représente les autorités françaises sur les rives du Pool (il est vite surnommé Mayélé, le débrouillard » en 1882, il doit résister de manière armée à une attaque dans le Niari, et prendre lui-même le fusil.
1882-1884 : l’AIC signe plus de 400 traités avec des chefs congolais dans la région de l’Oubangui et du Kassaï.
1883 : le lieutenant de vaisseau Cordier reconnaît la région du Kouilou-Niari et négocie un traité avec Ma-Loango, roi de Loango, principal chef des Vili.
Présence et concurrence portugaise sur la côte, et belge sur la rive méridionale du Stanley Pool.
Résistance des Bakota à l’avancée (militaire) des français.
Loi du 17 décembre 1882 qui fonde la colonie du Congo français, avec Brazza comme commissaire du gouvernement.
Attitude de Brazza allant vers un pacifisme contrastant avec les méthodes de Stanley.
Ce pendant, l’expédition française ne dédaigna pas les méthodes punitives, et ne se départit guère d’un grand sentiment de supériorité envers les « indigènes ». Brazza et quelques compagnons se conduisirent le plus souvent en humanistes ; d’autre utilisèrent la manière forte. Leur venue fut accueillie avec bienveillance et leur enthousiasme étonnait les populations. Leurs buts étaient néanmoins celui de l’installation d’un ensemble commercial. « Ne négligeons pas de saisir l’occasion qui se présente de nous emparer à peu de frais, d’un immense débouché qui alimentera notre commerce et notre industrie « (rapport de Brazza au Sénat en 1882), Hostilité de la Marine, partisane de la conquête.
La « mission de l’ouest africain » représente un personnel de 87 européen (23 civils, 50 marins et 37 militaires) et de 291 laptos (miliciens sénégalais) + porteur = 400 à 500 hommes.
Marchandises de traite : tissus (coton écru, rayé rouge, indiennes imprimées rouge et noir, roses, à pois, fantaisie, rayé bleu et blanc, cotons algériens, mouchoirs rouges…), alcools (100 caisses de 12 bouteilles de gia de traite à 12°5, rafia, vin), pacotille (couteaux, matchettes, limes, rasoirs, cuillers, chaudrons, manilles, miroirs, perles chochettes, bonnets rouges, pots de pommade, fils de cuivre ou de laiton, ceintures, chaînettes, couteaux, briquets), armes (fusils à percussion, capsules de guerre, poudre de démolition, sabres, haches, tentes, + carabines et cartouches pour la mission).
L’Association Internationale du Congo avait tenté de saper le prestige de Brazza en gagnant les Batékés de Mfoa, qui se démarquaient ainsi du Makoko. Le chef Bouamou Nzali refusa les présents et refusa de vendre des vivres à l’expédition du P. Augouard qui avait été chargé de renouer les contacts en 1883. Les missionnaires se virent contraints de créer une mission à dix milles de l, à Linzolo. L’AIC tentait de saper l’autorité affaiblie du Makoko, qui fut bien heureux de voir revenir Brazza. Mpoco Ntaba, habile trafiquant, grand dignitaire et trésorier du royaume, avait d’excellents contacts avec la rive gauche et tentait par tous les moyens de destabiliser le roi. Il fut cependant l’un des seuls à ne pas se faire d’illusion : (à Chavannes) « Vois-tu, je sais très bien qu’un jour ou l’autre les blancs des deux côtés du Congo, qui se disputent aujourd’hui, finiront par s’entendre sur notre dos ». Les blancs arrivaient en pleine crise de l’état téké.
1884 : Chavannes occupe définitivement Brazzaville « Je me trouve actuellement en possession d’un bel emplacement, qui sera je crois très saint, et de dix-sept grandes cases dans lesquelles nous, nos marchandises et nos hommes avons trouvé immédiatement un fort bon abri qui me gagne plus de trois mois de besogne à peu de frais et me permettra de mieux faire ce que je ferai… » (mai 1884).
Manifestement, la voie d’accès par l’Ogooué était trop difficile ; Chavannes : Les quelques 500 km à vol d’oiseau séparant Brazzaville de Loango offraient la possibilité d’une voie de terre plus rapide et plus économique qu’il faudrait créer sans retard ».
Le 7 avril 1884, la caravane de Brazza quitta Nganchou pour la dernière étape de Mbé. Au village proche de Mpoco Ntaba, Brazza revêtit son grand uniforme de marine, prépara les présents, dont un grand dais, un diorama des magnifiques tapis. L’entrevue eut lieu le 10 avril, en grande magnificence. Mpoco Ntaba et les autres dignitaires dissidents ne purent que s’incliner.
Les 28 et 29 avril, Brazza, Ballay, Chavannes, Malamine et Mpoco Ntaba se retrouvèrent au Pool, Chavannes choisit pour le poste un terrain sur le plateau situé à l’ouest de la Mfoa ; vers l’est, une vaste plaine « permettait une extension considérable de ce côté dans l’avenir ». On trouva plus simple d’acheter à leurs propriétaires (contre 900 barrettes de métal) dix-sept grandes cases qui allaient servir d’abri pour les hommes et le matériel, et de construire en quelques semaines une vaste case de cinq pièces comme magasin et habitation, en charpente de bois rouge, murs de tiges de palmes, toit de chaume épais et sol de briques.
7 stations principales, Cap Lopez, Ndjolé, Lastrouville, Franceville, Lékéti, Brazzaville et Loango (Lékéti et Loango furent supplanté par Pointe-Noire, terminus du chemin de fer) et 19 postes (dont deux en amont du fleuve, Bonga au confluent de la Sangha et Domino-Nkundja sur la rive gauche du bas Oubangui, Ngotou sur le bas Kouilou, Loudima sur le Niari).
Sur la côte, c’étaient les portugais qui tentaient de saper l’installation française. La mission Cordier usa de méthodes d’intimidation, profita de l’affaiblissement du roi du Loango pour mettre le pays « sous la souveraineté et le protectorat de la France », garantissant par contre l’arrêt de la traite des esclaves. Dolisie s’opposa assez brutalement au chef Loembo, esclavagiste, et obtint des concessions en « réparation d’agressions ».
Dès son arrivée, Brazza eut à rétablir une situation gravement compromise par Mizon, qui avait brûlé des villages et des récoltes, et fait fusiller des « opposants ». Brazza blâmait discrètement les exactions de ses assistants, mais il leur donnait toujours publiquement raison contre les africains. Brazza en tout cas aimait la palabre, aimait fraterniser avec les chefs de village. Il ne se souciait guère de régler des problèmes administratifs, et ne rédigea pas de carnets de routes ou de rapports, à peine quelques lettres griffonnées à la hâte dans un français malhabile. La légende lui prête des conquêtes, et par exemple une femme, Bassana, dans le village Ntombo-Manianga (aujourd’hui juste au-delà de la frontière du Zaïre). Habili diplomate, il prônait la conciliation, et n’acceptait la violence qu’en cas de nécessité absolue.
Peu de personnes eurent une attitude aussi ouverte : Jacques de Brazza (son frère), E. Decazes et Albert Fourneau eurent une véritable passion pour le Congo et ses habitants. De Chavannes, le jeune secrétaire (avocat lyonnais) de Brazza, se conduisit avec pondération, mais froideur. La plaine d’un colon ou d’un commerçant.
Pradier, Dufouroq étaient corrects, mais méprisants
Rigait de Lastours, Vittu de Kerraoul ne dédaignait pas de se faire respecter par la violence. Tous, cependant étaient d’une grande intégrité morale, qui allait constater avec la mentalité des colons et des commerçants.
Il eut quelques brebis galeuses, Mabru, Desseaux, Faucher, qui furent renvoyées après quelques scandales, le cas le plus étrange fut celui de Froment, un jeune protestant rigoriste, d’une brillante intelligence, mais orgueilleux, moraliste et brutal.
Opinions françaises sur les populations : on se loue de l’honnêteté et de la régularité des Batékés, excellents porteurs, bon marcheurs « maigres, doux, ayant le verbe très haut » (Decazes), peuple commerçant mais démuni sur leurs plateaux, commerçant le manioc et les esclaves. Les tékés, à la saison sèches, allaient jusque chez les Balalis (actifs Tékés sur les plateaux au nord de la vallée du Niari, qui troquaient les esclaves contre le sel. Les commerce continua jusqu’au XXe siècle. Vers l’est, les Batékés vendaient en grande quantité le manioc aux Apfourou de l’Alima contre du poisson séché et des produits courants. Les Apfourous étaient farouches ; Mbochis : vivant cachés dans la brousse, avec une disposition éclatée des villages permettant de résister à une attaque, et à mieux cacher les enfants ou les femmes volées, vendeur aux Apfourou du manioc, de tabac et du vin de palme, et esclaves, contre des marchandises « solides », étoffes, cuivre, fer, bouteilles, sel, poudre, silex, couteaux, etc. « Ce peuple est le plus sauvage que j’ai rencontré […] rebelle à tout ce qui leur semble une entrave, orgueilleux, superstitieux à l’excès » (Ponel).
Apfourou (sont une branche des Boubangui arrivés sur l’Alima et le Congo depuis moins d’un siècle, invasion stoppée par le grand père du Makoko) peuple de marins aux pirogues immenses, chargées à ras-bord de manioc, producteurs de nattes, poteries, pagaies, filets, harpons et surtout poisson séché Peuple agressif, avec lequel il fut difficile de traiter. Monopole de navigation des Apfourou, bénéfices qui doublaient presque à chaque transaction, jusqu’au Pool (Mfoa et Mpila, Mfoa la plus active, Mpila la plus peuplée, près de 3 000 indigènes), mais commerce plus florissants sur la rive gauche, à Kindolo, Kinshasa et surtout Kintamo. Là les Batékés échangeaient avec les caravanes Bakongo contre des marchandises européennes.
Fang avec qui les relations furent difficiles sur l’Ogooué.
Les Bavili ne s’inclinèrent que devant la force.
Dans l’ensemble, les populations virent dans l’arrivée des Français une occasion de s’enrichir.
Chavannes fonde Brazzaville en 1884
En France, cependant, il est des hommes pour s’agacer de la popularité de Brazza, et du bilan fort restreint des résultats : « Il ne nous reste donc après tant de sacrifices, tant de vies perdues, qu’une ligne de côtés bordée de brisants, couvertes de forêts marécageuses ou de dunes de sables, sur lesquels émergent Loango, Mayumba, Seté-Cana, et enfin l’estuaire du Gabon, la seule rade sûre depuis Landana ».
Le bilan scientifique de la Mission fut cependant remarquable : notation ethnographiques, relevés géographies, cartographie. Intérêt nouveau pour l’organisation politique et sociale africaine. Dans l’ensemble, les personnes de la Mission respectèrent les coutumes et les us, et ne cherchèrent que rarement à imposer leur morale. Une population curieuse ou intéressée commerçait à s’amasser autour des postes. Mais une majorité resta indifférente à l’implantation coloniale.
En fin de compte, les buts commerciaux allaient prendre largement la priorité sur les buts humanistes.
1884 : Léopold II conteste l’accord que les anglais et les portugais viennent de passer pour se répartir des zones d’influence en Afrique centrale (Lisbonne s’était octroyé la souveraineté portugaise sur les deux rives du Congo). Le chancelier Bismarck le soutient et convoque à Berlin une conférence qui se tient du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, avec 14 nations européennes et un observateur américain. La conférence charge l’AIC de constituer des états avec les territoires explorés. Elle reconnaît l’autorité de la France sur les rives droites du Congo et de l’Oubangui. Elle accorde des droits dans l’arrière pays aux puissances qui ont des postes sur la côte. Dans le discours d’ouverture de Bismarck : « Le gouvernement impérial (allemand) a la conviction que tous les gouvernements invités partagent le désir d’associer les indigènes d’Afrique à la civilisation, en ouvrant ce continent au commerce, en fournissant à ses habitants les moyens de s’instruire, en encourageant les entreprises visant à propager les connaissances modernes et en facilitant la suppression de l’esclavage».